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21 août 2006

Point de vue d'après le cessez-le-feu (JP Boré)

La paix, oui la Paix!

Par Jean Paul Boré

Membre du conseil national du PCF

La paix au Proche-Orient a besoin du soutien international mais aussi de l’ensemble des organisations qui se réclament de l’humanisme.

Depuis l’annonce du cessez le feu adopté par le Liban et Israël, certains oiseaux de mauvaise augure, venant de tous cotés, ne cessent de mettre l’accent sur sa fragilité.

La dernière poule qui a trouvé un couteau sait bien que la situation est fragile. Belle découverte ! Ce qui importe, la vraie question, c’est de savoir ce que nous faisons au plan international pour transformer la cessation des hostilités en paix durable.

Pour cela, il me semble indispensable d’observer en tout premier lieu ce que disent et font ceux qui s’engagent au Liban et en Israël dans cette voie.

Pour l’immense majorité des Libanais, dont tous les ministres du gouvernement (ceux du Hezbollah compris), la résolution 1701 est considérée, malgré les remarques faites, comme étant la meilleure dans les conditions actuelles.

Le retour chez elles dès l’annonce du cessez le feu, à l’appel du président du parlement, des centaines de milliers de familles déplacées durant le conflit, constitue, il faut bien le voir une réaction extrêmement politique et porteuse d’une seule volonté : Faire la paix !

Le sentiment partagé est que le peuple Libanais en a plus qu’assez que leur pays soit le terrain de conflits dont les scénarios se décident ailleurs et sans lui.

La résolution est à quelques nuances près est identique à celle proposée par la France dès les premiers jours de la guerre et ceci en accord avec le gouvernement Libanais. On peut alors se poser mille questions sur les raisons du gâchis humain. Des comptes seront à rendre. Il est désormais d’évidence que l’invasion, les bombardements aveugles israéliens étaient programmés et planifiés de longue date avec l’aide des Etats Unis. Plus personne ne nie cette évidence.

Pourquoi a-t-on froidement décidé de détruire le Liban alors qu’il était en cours de reconstruction et apte à nouveau à accueillir de dizaines de milliers de touristes, ce qui est le gage d’un pays stable et sûr qui veut vivre en paix avec ses voisins ? Pourquoi avoir détruit toutes les infrastructures de ce pays croulant déjà sous la dette et obligé de faire appel aux capitaux extérieurs pour sa reconstruction ? On évoque plus de 20 milliards € de dette pour un pays de 3,5 millions d’habitants soit une somme de plus de 6000 € de dette par habitant.

Laissons pour un moment nos émotions bien légitimes de côté pour aller au fond des choses.

·        Une stratégie délibérée.

En vérité, nous assistons à une nouvelle étape dans la stratégie des Etats-Unis pour devenir définitivement, plus que les « gendarmes du monde », comme nous disions dans le temps, mais les dominateurs sans partage au nom d’une conception de l’humanité qui est étrangère à tout humaniste de droite ou de gauche. La volonté impériale des Etats Unis d’imposer une force de l’OTAN, à laquelle il est proposé à Israël d’adhérer, n’est-elle pas la marque de cette volonté de s’implanter définitivement au Proche-Orient après les Balkans, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Irak et l’Afghanistan ?

Est-ce une insulte à nos amis de la communauté juive de France que de dire que le gouvernement Israélien actuel vient de jouer le bras armée de cette sale besogne comme d'autres dans le monde sont sommés de le faire au nom d’intérêts inavoués ? La vérité n’est jamais insulte, fût-elle difficile à entendre. Et c’est précisément parce que je pense personnellement que le peuple Israélien a le droit comme tous les autres de vivre en paix et en sécurité dans des frontières reconnues de tous, de Palestine à l’Iran en passant pas la Syrie, que je crois nécessaire de dire que le peuple israélien doit refuser de se laisser embarquer lui aussi dans une aventure pour laquelle on met en avant ces – ses – droits imprescriptibles.

Pour moi c’est clair, quoi qu’il m’en coûte de remarques désobligeantes venant même de mes amis. Une vie égale une vie. La liberté pour les peuples ne se sélectionne pas au regard de ce que font leurs dirigeants. Faute de quoi peu de pays Européens auraient droit à cette liberté tant nous en avons sur la conscience.

J’ai le même raisonnement pour toute intervention extérieure au Liban par force interposée telle le Hezbollah au demeurant très actif sur le terrain de la résistance jusque 2000 et sur le terrain social dans une partie du pays délaissé de facto par le gouvernement Libanais après le retrait israélien. Il est très instructif de ce point de vue de lire trois articles parus dans « l’Orient Le Jour  le 19 août sous les plumes conjointes de Michel Hajjl Georgiou et Michel Touma (http://www.lorientlejour.com) qui éclairent sur les raisons de l’émergence du Hezbollah dans la société libanaise et les rapports entre communautés musulmanes.

Il est absolument impératif – c’est une question de principe – que les questions internes au Liban trouvent des réponses à l’intérieur du Liban.

Il est tout autant impératif que soit trouvée une solution rapide pour les 400 000 réfugiés Palestiniens qui vivent au Liban et qui sont l’objet d’un enjeu imposé à ce pays depuis maintenant trop longtemps.

Il y a urgence pour que les grands de ce monde qui vont tenir la Conférence des pays donateurs pour la reconstruction du Liban n’en restent pas à cette urgence humanitaire.

Il y a une urgence politique : aller au plus vite dans le sens de la convocation d’une Conférence internationale pour une solution globale au Proche Orient incluant évidemment le conflit Israélo-palestinien.

C’est à mon sens la seule issue pour la paix, une paix durable et bénéfique pour tous les peuples de la région. C’est à mon sens l’exigence que tous les humanistes doivent avoir envers l’Union Européenne trop absente dans la recherche de solutions et d’initiatives de paix au Proche Orient.

Le Liban doit trouver enfin le chemin de la souveraineté. On peut légitimement se demander pourquoi, au moment où des solutions internes étaient en train d’être mise en œuvre sur l’ensemble des question, ainsi que le relevait le Conseil de sécurité de l’ONU juste avant la guerre, y compris sur la question de l’élaboration d’une Constitution sortant le pays du confessionnalisme, pourquoi donc cette guerre a été déclenchée ?

Il est d’évidence que les raisons dépassent, et de loin, le seul conflit territorial avec Israël. Ce conflit qui peut être résolu très rapidement sert de ferment permanent à une situation fragile.

·        Une situation complexe qui alimentent une stratégie interventionniste.

Que penser des déclarations belliqueuses de Ehud Olmert qui a du mal à accepter que la communauté internationale ait fini par aboutir à un peu de sagesse avec la résolution 1701. Les violentes critiques en Israël sur la gestion de la guerre poussent pour l’essentiel au crime. La violation du cessez le feu intervenue le 20 août par Israël en est illustration et une conséquence directe pour tenter de garder la main.

Que pense de GW Bush qui met de l’huile sur le feu en plaçant délibérément le Hezbollah au rang des Taliban au moment où tous les efforts doivent converger au nom de la paix vers les « dépassions » Pour lui il y a trois fronts dans la guerre mondiale contre le terrorisme. Le Liban avec le Hezbollah, les Talibans et l’Irak sans compter l’Iran.

On s’est créée un motif pour faire avaler « sa thèse ». Le prochain conflit mondial sera entre l’occident et le monde musulman. Pour l’instant on dit : terroriste musulman.

Mais que dire aussi des déclarations totalement inacceptables en retour de Mahmoud Ahmadinejad qui ne cesse d’en appeler à la destruction d’Israël et tente d’entraîner le Hezbollah et le peuple iranien dans sa folle stratégie? Mais que dire aussi de l’interdiction à ce pays de développer ses équipements nucléaires, au titre qu’il est signataire du TNP (traité de non-prolifération nucléaire) quand Israël (non-signataire du TNP) possède des centaines de bombes du pire embarquées sur ses centaines de F16 et ses sous-marins.

Que dire des propos pour le moins déplacés d’un Bachar El Assad voulant toujours affirmer sa présence dans un pays qui n’est pas le sien après l’avoir mainte fois entraîné dans des conflits pour son compte ? Je pense au Golan occupé par Israël et contre laquelle on entend jamais la Syrie protester. Je pense au petit territoire dit des « fermes de Cheeba » propriété libanaise occupée par Israël parce que revendiquées par la Syrie.

Autant de conflits qui peuvent se résoudre si l’on exclut définitivement les arrières pensées et les intérêts de puissances hégémoniques extérieures au Liban.

Au fond, c’est la paix qui est en jeu. Et pas seulement au Proche-Orient. La guerre ne sert qu’à faire grandir les extrémismes dont certains ont absolument besoin pour se trouver des ennemis afin de justifier leurs interventions.

Souvenons nous de l’armement de « frère Sadam », comme on l’appelait dans les arcanes du pouvoir américain, quand il s’agissait de faire la guerre à l’Iran de Khomeyni. Les Etats Unis n’ont jamais digérés la défaite de leur soutien local précédent le Shah d’Iran. Sans doute analyserons nous un jour notre soutien à la révolution islamique de Khomeyni au nom de son opposition aux USA. Les réponses binaires jouent toujours des tours. Nous sommes bien payés, nous les marxistes, pour ne pas y remettre le doigt. « Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous et réciproquement » Pas si simple au regard de l’histoire.

Souvenons nous de l’autorisation donnée par les USA au même « frère Sadam » d’entrer au Koweit pour ensuite s’implanter en protecteur en Arabie Saoudite.

Faut-il rappeler également que le Hezbollah fut créée en 1982 après le retrait de la résistance communiste au sud Liban et avec l’aide de l’Iran. Mais qu’il serait vraiment de courte pensée de considérer ce parti comme étant étranger aux intérêts du Liban (voir les articles précédemment cités). Seuls les partisans des raccourcis simplistes peuvent soutenir cette thèse. S’il en fallait encore une preuve, les tracts Israélien appelant au rejet du Hezbollah durant la guerre qui vient de se dérouler n’ont eu aucune prise sur une population qui au contraire s’est sentie agressée toute entière. Le Hezbollah ne vient-il pas de déclarer qu’il prenait en charge la location d’appartements durant un an plus l’achat de meubles pour les personnes dont la maison a été détruite et pour lesquelles ses architectes sont déjà à l’œuvre pour leur reconstruction.

Souvenons aussi nous de l’armement des Talibans pour faire la guerre à L’URSS qui se sont ensuite pris au jeu pour instaurer un régime abominable contre les droits des femmes ? Quel adversaire de choix pour des Etats Unis en recherche de prétexte pour s’implanter dans un lieu où elle ne pouvait l’envisager sous l’ère soviétique, suite à l’horreur vécue par les Américains suite au terrible 11 septembre !

Les spécialistes doivent être en mesure d’allonger considérablement cette liste montrant la complexité de la situation  à laquelle il faudrait ajouter les rapports inter Libanais et les alliances diverses et variées au grès du temps et des intérêts.

·        Le combat pour la paix peut faire reculer toutes les dominations

Saurons nous prendre la hauteur nécessaire pour ne pas rester le nez collé sur le pare brise de l’illusion et des apparences. Défi ou gageure ? Dans les deux cas il n’y a pas d’alternative à la recherche de la paix. Toute tentative de justifier la guerre ne sert au fond qu’un camp. Celui de la domination. Rechercher la paix ce n’est pas en rester à un simple mais honorable pacifisme. La paix est au cœur de la lutte des classes et Jean Jaurès l’avait bien perçu lui qui disait :

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».

Je me souviens des grandes manifestations dans les années 80 où nous scandions : « Ni Pershing, ni SS 20 ». Les SS 20 ne menacent plus mais les Pershing ou les petites sœurs de ces fusées, sont à l’œuvre impunément partout dans le monde. Dans cette démarche, que je ne renie pas, n’en restions nous pas à l’idée que le désarmement suffirait à la paix ?

En fait la paix implique autre chose au moment où la mondialisation est en marche de manière irréversible. C’est le refus de toute domination. Utopique ? Sans aucun doute. Qui donnera une solution alternative ? Eradiquer, anéantir, rompre, dépasser, en finir avec le capitalisme ou l’ultra libéralisme (on le désignera comme l’on voudra) passe par une autre conception du développement de l’humanité, une solution autre que celle basée sur le conflit.

De même, nous ne devons pas faire le dos rond face au pouvoir des religieux quels qu’ils soient dans les affaires intérieures des Etats. Cela n’est acceptable ni en Iran, qui se veut être ouvertement une république islamique ; ni en Israël, où l’on ne cesse de parler d’un Etat Juif ; ni au Liban qui justement cherche à abandonner la constitution confessionnelle héritée de la fin du mandat Français ; ni aux Etats Unis où le Président jure encore sur la bible, dont l’actuel fait partie d’une église protestante les plus conservatrices.

J’en reviens donc à ce qui me paraît essentiel : le combat pour la paix exige précisément le refus de toute domination. Que peut-il y avoir de plus antilibéral quant au fond ?

Or, je m’inquiète de ce point de vue de certaines déclarations qui font l’économie de l’effort à faire en ce sens. Oui bien sûr, et nous sommes de ce combat, il faut une solution globale pour régler durablement le conflit au Proche-Orient. Oui il faut impérativement faire appliquer les résolutions qui envisagent clairement un Etat Palestinien vivant en paix au coté d’un Etat Israélien.

Cette question fait débat parmi les organisations, les partis politique de gauche. On l’a vu durant les manifestations. Certains ont tenté des amalgames à la manière de la lutte contre le capital qui passerait uniquement par son abolition. Bien calé dans leur siège d’opposants systématiques, certains refusaient de voir ce qui avançait dans la position française jusqu’à signer une pétition rédigée en Grande-Bretagne qui parlait de  « complicité de nos gouvernants ». Un tel positionnement disqualifierait tout parti qui prétend gouverner car la réalité n’est pas celle là. Je m’inquiète de tels positionnements fixés en vérité sur des chimériques alliances électorales futures. On ne peut tout mélanger ni renier les principes au nom de quoi que ce soit.

La force précisément de la position communiste dans cette guerre aura été au fond d’être en phase avec la position Française mais aussi Libanaise. Cela n’a pas interdit que nous soyons exigeants envers notre gouvernement afin qu’il ne cède pas au diktat américain.

C’est dans cet esprit que nous devons appuyer la demande du gouvernement Libanais pour que la France joue les premiers rôles dans la FINUL. Pourquoi la France, demandent certains ? Parce qu’elle a des responsabilités plus que d’autres au Liban, seul pays francophone du Moyen-Orient qu’elle a administré jusqu’en 1943. Cela dépasse la question des affinités bien réelles qui existent au plus haut sommet de l’Etat.

·        La Paix au cœur de nos combats.

Pour autant il me paraît essentiel que la communauté internationale, l’Europe en premier lieu, participe immédiatement à la reconstruction pour éviter que parmi les populations du Sud le sentiment d’abandon prenne le pas comme après le retrait israélien en 2000. Il ne faudrait, dans ce cas, ne pas se plaindre ensuite de qui récupère.

Aider à stabiliser le Liban est donc urgent. Aucun autre calcul ne doit entrer en ligne de compte.

Tous les humanistes doivent poursuivre l’action pour la tenue d’une Conférence internationale avec à l’ordre du jour, le règlement définitif du conflit  Israélo-palestinienne qui au cœur de tout dans cette région. Mais il est évident que pour y parvenir, nous devons agir pour que cela devienne l’affaire des peuples au nom de la paix à construire. N’en faisons pas l’économie et surtout ne laissons pas ce terrain durant la campagne pour les prochaines échéance électorales en France. Pour prendre le contre pied de tous les va-t-en guerre tel Le Pen, Sarkozy, De Villers et consorts qui n’hésitent pas à utiliser le soi disant « axe du Mal », pour manipuler l’opinion, faisons de la paix un de nos combats majeurs parce que c’est un des combats qui participe directement à la mise en cause, à l’exclusion de toutes les dominations. Et aujourd’hui, en ces temps de « mondialisation » la « guerre économique » participe aussi de cette démarche. Au fond, n’est-ce pas cela le communisme des partis qui se réclament de son idéal ? Ne sont-ils pas nés du refus de la guerre, de toutes les guerres, précisément ?

Jean Paul Boré

21 août 2006

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